« Pour vous » est un hebdomadaire culturel des années 30 et 40, qui paraissait tous les jeudis, une des plus célèbres revues de cinéma de l’époque. Le numéro du 22 décembre 1932 propose une interview de Jean Gabin, jeune vedette de l’époque, réalisée par Didier Daix, critique cinématographique, auteur dramatique, parolier et acteur avant-guerre.
Les deux hommes se connaissent. « Comment vas-tu ma vieille ? » lui demande Gabin. Ils ne s’étaient plus vus depuis deux ans. « J’ai connu Jean Gabin lorsqu’il faisait son tour de chant au music-hall et jouait l’opérette » nous apprend le journaliste. « Il n’était pas, alors, question de cinéma. Il allait plein d’espoir et de courage sur les traces de son père qui achevait une carrière riche en brillantes créations et en beaux succès. Jadis, dans sa loge des Bouffes-Parisiens, le père Gabin me raconta ses débuts misérables et sa vie toujours pénible et laborieuse. Jean aura été plus heureux puisqu’il est arrivé plus vite et puisqu’il est, grâce au cinéma, plus célèbre. »
« Y a pourtant une chose qui m’irait, ! C’est de créer une belle pièce dans un beau théâtre. Tu comprends, ce serait un luxe que j’me paierais, un cadeau que j’m’offrirais. Aussi faudrait qu’ce soit vraiment quelque chose de très bien. Un vermoulu, maintenant ? »
Jean Gabin Tweet
« Tu vois, dit-il, je suis peinard. Jamais j’sors. J’vois personne. Quand j’suis ici, j’me fous d’tout. » Pour Didier Daix, Jean Gabin, enfant de Paris est « un garçon cordial et bon vivant qui cache son cœur sous un faux air bourru et son bonheur sous son front têtu. » Tous deux évoquent les projets de l’acteur, qui vient de tourner Cœur de Lilas, Les Gaités de l’escadron, La Belle marinière. Il précise qu’il va bientôt jouer dans le nouveau film de René Pujol, Toto. Le film, sortira en 1933, mais finalement sans Jean Gabin, et René Pujol en sera le scénariste, et non le réalisateur.
Gabin confie au journaliste sa méthode de travail. « Je lis quelquefois des interviews de camarades qui parlent de leur art, qui composent leur personnage. Moi j’ai pas d’art, j’compose pas. Je fais ce qu’on m’dit. Jamais j’travaille. J’arrive au studio sans connaître mon texte. J’I’apprends vivement en cinq minutes, avant d’tourner. Ça m’suffit. Deux jours avant la première prise de vue, je passe chez l’costumier prendre mes affaires, parce que tout d’même il faut pas exagérer. Mais jamais j’travaille mes rôles à l’avance. » Et le journaliste de remarquer que « c’est peut-être parce qu’il ne s’appesantit pas sur son personnage, parce qu’il ne cherche pas à trop bien faire, qu’il atteint à tant de naturel et à tant d’humanité. »
Didier Daix termine alors son article en comparant Gabin à un philosophe, un philosophe heureux. « Chez Jean Gabin, on se sent à I’aise, j’allais dire chez soi. Il est simple et charmant et, dans son langage à lui, il sait vous faire comprendre qu’on est entre amis et qu’on ne fait pas de manières avec les copains. C’est le bon p’tit pote, qui dit ce qu’il pense, qui vit à sa guise et qui ne s’occupe ni des autres, ni du qu’en dira-t-on. Il ne fait de mal à personne, il ne s’occupe pas des voisins, alors tout va bien. Le reste, ça ne regarde que lui. Et s’il I y en a qui ne sont pas contents, qu’ils aillent le dire à vache. »
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