En septembre 1938, Jacques Mortane, historien et journaliste, rédacteur en chef puis directeur de plusieurs journaux et revues, auteur de plus de cent ouvrages sur l’aviation, dont il avait suivi les débuts, publie dans Jeunesse-Magazine, un article en mémoire de Marcel Brindejonc des Moulinais, pionnier de l’aviation et as de la première guerre mondiale. C’est cet article que nous vous proposons de découvrir.
ll y a vingt-cinq ans, un jeune aviateur fut décoré de la Légion d’honneur avant de partir pour le régiment. C’était Marcel Brindejonc des Moulinais. Il prouva une fois de plus que la valeur n’attend pas le nombre des années, et tous ceux qui l’approchèrent se rendaient compte qu’il avait une Âme bien née.
Il était de mes amis. C’est au Grand Prix d’Angers de 1912 qu’il s’était révélé. Les trente-deux plus fameux champions de l’époque étaient engagés. Au départ, la tempête, l’orage, la pluie, le brouillard se disputaient le ciel. Allait-on s’envoler ? Ce serait risquer la mort. Tandis que les autres hésitaient, un seul avait relevé le défi et s’était élevé à l’heure fixée : Roland Garros. D’autres essayèrent, abandonnèrent.
Un grand garçon athlétique, mais au visage d’enfant, pleurait, suppliait pour tenter sa chance : les constructeurs Léon Morane et Raymond Saulnier ne voulaient pas se laisser fléchir. Ils savaient le courage de leur pilote de dix-neuf ans, Brindejonc des Moulinais, et ils le redoutaient.
Enfin, à midi 13, le temps s’étant calmé, l’audacieux obtenait l’autorisation. Son appareil était plus rapide que celui de Garros et muni d’un 70 C. V. au lieu d’un 50. Aussi, à chaque coup d’aile, rattrapait-il de son retard. Mais Garros tournait depuis plus de trois heures.
Le soir, émotion : les deux adversaires effectuaient le dernier tour en même temps. Qui allait gagner ? Garros surgit à l’horizon, arriva, piqua, se posa. Brindejonc des Moulinais avait encore quelques minutes avant la fermeture du contrôle. Allait-il se classer pour la seconde épreuve du lendemain ? Non, 18 h 30 : une bombe annonça que la journée était terminée. Au même instant, l’appareil rapide survint. Pour quatre minutes, Brindejonc fut éliminé. Il avait effectué le tour le plus rapide à 101 kilomètres à l’heure, tandis que la moyenne de Garros n’avait atteint que 59 km 495. Il est vrai que, par instants, l’ouragan était si violent que le monoplan avait reculé dans l’espace.
Telles furent les premières armes de Brindejonc des Moulinais qui, cependant, avait déjà fait parler de lui l’année précédente, à cause d’un atterrissage involontaire sur la berge du quai des Invalides, son moteur refusant d’aller jusqu’à Issy-les-Moulineaux.
J. Mortane (1938)
Texte paru en 1938 dans Jeunesse magazine, hebdomadaire pour les adolescents publié entre 1937 et 1939.
Source: Retronews, le site de presse de la BnF.
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